Un instant capté, le grand défi de Kebe





Un instant capté, le grand défi de Kebe










Quelle émotion lorsque, dès l’entrée, on découvre la première des trois oeuvres accrochées aux panneaux de l’exposition. Kebe est là, je le sens, je le vois, je l’imagine. Il est avec nous. Il nous guide. Il nous emporte dans ce monde sans cesse renouvelé où, à sa manière unique, il a posé un jalon. Merci à Koyo Kouoh, directrice et commissaire en chef du Zeitz MOCAA au Cap, et son équipe pour ce très beau kaléidoscope et son intérêt particulier pour le travail d’Ibrahima Kebe.
https://www.bozar.be/fr/calendrier/when-we-see-us



Les peintures d’Ibrahima KEBE pétillaient de vie. Et la vie dakaroise ou de n’importe quelle autre ville du monde ne peut s’imaginer sans rassemblements, fêtes, aujourd’hui interrompus en raison du COVID 19. Comment KEBE aurait-il interprété cette absence momentanée ?

Triste dimanche. A 18h00 ce soir, nous apprenions le décès d’Ibrahima Kebe (1955-2019). Toutes nos pensées en rédigeant cet article vont à son épouse, ses enfants, sa famille, ses amis et ses nombreux admirateurs de son art à travers le monde. Tous nos regards vont vers ses femmes, ses enfants, ses pirogues, ses chats surpris dans leur éclatante vie par le pinceau spontané de Kebe. Tout à coup, tous ces personnages, transgression de la réalité dakaroise. sont orphelins de leur créateur.. 


Combien sommes-nous dans le grand village du monde à croire à cet invisible qui nous fait partager les mêmes émotions? Kebe est un artiste entier, sans compromis. Il livre à nos yeux ce que notre cœur attend. Kebe a la folie du geste et la générosité des couleurs. Le reste n’est que supposition.


Cette oeuvre de Kebe reprend ses thèmes habituels. La famille ou les amis que l’on devine ici soudés par une certaine connivence et la joie d’être ensemble. Quatre personnages tournent leur visage vers le spectateur comme s’ils posaient pour un instantané. Le couple à gauche est placé de profil et séparé par un rameau d’olivier. Sont-ils en train de se réconcilier? L’homme qui porte le petit bonnet rouge semble lever les yeux vers le ciel. Le sourcil de la seule femme de la composition traduit une certaine indifférence ou plutôt la pudeur. L’homme l’enlace. Elle le prend par les épaules tandis qu’un enfant ou un adolescent en retrait tient cette femme par la taille. On peut voir que tous les personnages touchent ou sont touchés par un autre. Enfin, le fond jaune et lumineux fait ressortir les personnages et magnifie les couleurs de leurs vêtements de fête.


Quelques infos le concernant :
Kebe est présent sur Wikipédia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Ibrahima_K%C3%A9b%C3%A9

KEBE nous transmet régulièrement ses photos de ses dernières œuvres. Certaines retiennent notre regard. Certaines soutiennent ce regard et vont au tréfonds de notre quotidien d’images chercher l’émotion. Ce très joli portrait d’une femme libre, image simplifiée et idéalisée nous interroge sur la place de la femme dans le monde. Je ne sais plus où j’ai lu que les hommes n’aimaient pas les femmes, dans le sens du respect et du traitement d’égal à égal. Si cela est vrai dans de trop nombreux cas où le poids des habitudes, bien plus que le poids des traditions (au moins elles sont identifiables) transforme l’homme en ennemi de la femme, KEBE nous renvoie l’image d’une autre féminité : libre, arrogante, osant le regard soutenu, belle sans être soumises au diktat de la mode. KEBE aime les femmes. Et leurs portraits le lui rendent bien.

